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Annulation de la création d’une filiale de droit privé par l’université Paris 2. Décision du TA de Paris, 29 octobre 2013. Communiqué de presse.

dimanche 10 novembre 2013, par Jara Cimrman, Mariannick

Lire aussi l’article d’Isabelle Rey dans Le Monde du 9 novembre 2013, « L’université Panthéon-Assas condamnée pour avoir créé sa propre prépa privée. »

« L’université Panthéon-Assas condamnée pour avoir créé sa propre prépa privée. »
COMMUNIQUÉ DE PRESSE DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE PARIS
Création d’une filiale par une université.

Le Tribunal administratif de Paris annule la création par l’université Paris-II Panthéon- Assas d’une filiale, sous la forme d’une société de droit privé, ayant vocation à organiser une préparation d’été à l’examen d’entrée à l’École de formation du barreau.
Lire le jugement ici.
L’université Paris-II Panthéon-Assas a créé, en 2012, une filiale dénommée « Assas Lextenso formations », sous la forme d’une société par actions simplifiée, dont l’objet social est d’assurer des missions de formation initiale et continue, et qui était destinée à prendre en charge plus particulièrement l’organisation d’une préparation estivale à l’examen d’entrée à l’École de formation du barreau (EFB). Cette préparation a pris le nom de « la prépa d’Assas », et a été organisée au cours de l’été 2012.
Le Tribunal administratif de Paris a été saisi d’un recours par la société Capavocat, qui assure l’organisation d’une préparation du même type. Il a estimé que les dispositions du code de l’éducation, et notamment son article L. 711-1 qui encadre la création de filiales, n’autorisent pas une université à externaliser ainsi des activités de formations conduisant à des diplômes qui leur sont propres ou préparant à des examens ou des concours. L’article L. 613-2 du même code prévoit, en effet, que ces activités sont organisées sous sa responsabilité.
Le Tribunal a jugé qu’en l’espèce, en prenant en considération l’importance des préparations estivales dans la préparation de l’examen d’entrée à l’EFB, et malgré sa brièveté, une telle préparation constitue bien une formation préparant à un examen au sens de l’article L. 613-2.
Le Tribunal annule donc les décisions attaquées de l’université et enjoint à celle-ci de dissoudre la société Assas Lextenso formations dans un délai de six mois.
Tribunal administratif de Paris, 29 octobre 2013, SARL Capavocat, n° 1217449


« L’université Panthéon-Assas condamnée pour avoir créé sa propre prépa privée. »

À lire dans Le Monde ici

Un comble pour la faculté de droit censée former les meilleurs juristes de France : l’université Paris-II Panthéon Assas s’est fait sèchement rappeler à l’ordre par le tribunal administratif de Paris, dans une décision rendue le 29 octobre. Il lui est reproché d’avoir, en 2012, créé une société commerciale détenue à 80 % par l’université et 20 % par l’éditeur Lextenso. Son but est de dispenser, sous la marque « La Prépa d’Assas », des cours durant l’été pour préparer les étudiants à l’examen d’entrée à l’école du barreau de Paris, indispensable sésame pour devenir avocat. Or, les magistrats estiment « qu’une université publique peut certes créer des sociétés commerciales pour assurer des prestations de service à titre onéreux » mais pas pour préparer des étudiants à un examen qu’elle est chargée d’organiser : « S’il était loisible à l’université Paris-II d’organiser elle-même cette formation, elle ne pouvait créer de filiale à cette fin », lit-on dans les attendus. Les juges sont si courroucés qu’ils enjoignent Paris-II de liquider sa filiale «  considérant que l’illégalité (…) justifie, en raison de sa gravité, la dissolution de ladite société  ». Pour la publicité de son jugement, le tribunal a publié un communiqué sur son site.

L’affaire paraît donc grave. En réalité, Assas n’a organisé, en tout et pour tout, qu’une session, à l’été 2012, qui a, pendant six semaines, rassemblé 300 étudiants ayant acquitté, chacun, 1 600 euros de frais d’inscription, un prix d’ami si on le compare aux 2 500 euros facturés par les concurrents privés, et 10 % d’élèves boursiers bénéficiaient de la gratuité. « Nous ne comprenons pas bien cette décision, nous voulions rendre service à nos étudiants, en leur réclamant des montants couvrant les frais de personnel et d’ouverture des locaux pendant l’été, et faire oeuvre sociale pour les boursiers », se désole Guillaume Leyte, président de Paris-II qui s’interroge sur un éventuel appel.

ENJEUX FINANCIERS

En 2013, malgré le succès de la première édition, la prépa Assas a été annulée « en signe d’apaisement », admet Fréderic Etchart, directeur marketing de Lextenso, « car notre offre à prix coûtant a bousculé le marché très rentable des prépas privées ». C’est d’ailleurs l’une de ces prestataires, Capavocat, qui a porté l’affaire en justice. « La juridiction administrative a donc sanctionné le mélange des genres entre enseignement public du droit et classe préparatoire privée à l’examen d’entrée au barreau », se félicite le gérant de Capavocat, François Bardet-Germaix : « Mais surtout, et pour l’avenir, le tribunal a censuré le risque de partialité et, par suite, de rupture d’égalité, entre les étudiants », estime-t-il.

La procédure a sûrement été menée pour faire triompher le droit, puisque l’on est entre juristes éminents, mais elle porte aussi sur d’importants enjeux financiers. Ainsi Capavocat affiche, en 2012, un chiffre d’affaires de 3,11 millions d’euros et dégage un bénéfice de 450 562 euros, partagé entre ses trois associés, dont deux sont avocats. Le troisième, qui détient 41,5 % des parts, est magistrat à la cour d’appel administrative de Nantes, un cumul privé-public sur lequel s’interroge le Conseil d’Etat. A ces dividendes s’ajoutent des salaires de 54 000 euros bruts par an pour les deux associés majoritaires qui, en sept ans, auront chacun perçu plus de 2 millions d’euros de dividendes et de salaires.