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APB et capacités d’accueil : quel système universitaire voulons-nous ? - Communiqué de presse du SNESUP-FSU de l’Université de Strasbourg, 19 juillet 2017

mercredi 19 juillet 2017, par Andy Capp

Les annonces et témoignages qui se succèdent au coeur de l’été sur les Admissions Post-Bac révèlent un profond malaise des universités. Selon Michel Deneken, président de l’Université de Strasbourg, des “mesures d’urgence” permettront, pour cette année seulement, d’accueillir tous les étudiants en filières STAPS et Psychologie. Mais cela ne règle pas le fond du problème qui existe au moins depuis 2012.

Aujourd’hui, dans l’urgence, on bouche un trou en fléchant quelques postes précaires sur des composantes débordées et sous-encadrées. Mais ne soyons pas dupes. Dans un contexte de décroissance budgétaire, ce que l’on donne aux uns, on le prendra aux autres. Ce problème est national et repose en partie sur les décisions budgétaires du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de l’Innovation, ainsi que sur la Direction Générale de la Recherche et de l’Innovation, dirigée par Alain Beretz, ancien président de l’Université de Strasbourg. Cependant, cela ne doit pas faire oublier les choix qui ont été opérés localement.

Le passage aux Responsabilités et Compétences Élargies a donné à l’université l’autonomie de la gestion de sa masse salariale. Or, selon son bilan social 2016, depuis cette autonomie administrative, et alors que les effectifs étudiants augmentaient de 13%, les effectifs enseignants et enseignants-chercheurs titulaires ont baissé de presque 6% : ils sont passés de 1906 à 1795 entre 2010 et 2016, soit une diminution de personnels. Pour donner un ordre d’idée, une composante de l’université (UFR, faculté, institut ou école) compte en moyenne 50 enseignants et plus d’un millier d’étudiants.

C’est donc l’équivalent des équipes pédagogiques de plus de deux composantes qui a été supprimé en 6 ans, pendant que s’ajoutait l’équivalent des effectifs étudiants de composantes. Il ne s’agit pas là d’un problème national : en témoigne la place de l’Université de Strasbourg, particulièrement basse, dans le classement national des taux de réussite en Licence.

Il est important de noter que les composantes dont l’accès est conditionné par des droits d’inscription élevés, comme l’Ecole de Management, ne connaissent aucune baisse du nombre de leurs personnels. Ces derniers sont d’ailleurs aujourd’hui mieux rémunérés que ceux du reste de l’université, ce qui dessine un changement profond de modèle économique.

Notons également que les restrictions budgétaires mises en oeuvre localement ont permis de dégager des marges de manoeuvres : en fin d’exercice budgétaire, et pour la troisième année consécutive, l’université dispose de 8 millions d’euros que les administrateurs sont parfaitement en mesure d’attribuer au recrutement d’enseignants.

Ces 8 millions d’euros correspondent aux salaires annuels de plus d’une centaine d’enseignants-chercheurs. Les administrateurs de l’université ont cependant pris la décision de continuer à limiter au maximum le nombre d’enseignants, sans même garantir le renouvellement des départs à la retraite. La marge de manoeuvre budgétaire sera intégralement utilisée, d’une part pour des projets à visée commerciale, comme des bâtiments à vocation locative, d’autre part au développement d’une forme de pédagogie numérique avec pour objectif une diminution de l’interaction entre enseignants et étudiants, et donc supposément du besoin en enseignants.

Dans le contexte actuel, ce développement de la pédagogie numérique amorce une modification substantielle du modèle de l’enseignement supérieur : d’une part, des étudiants sélectionnés ou en mesure de se payer des services complémentaires qui pourront bénéficier d’enseignants présents dans un cadre traditionnel, de l’autre les étudiants qui devront se former seuls face à leur écran, diminuant ainsi substantiellement leurs chances de réussite. Cela permettra de satisfaire l’obligation de formation de tous les bacheliers, quel que soit leur nombre, sans pour autant augmenter les moyens.

Tout ceci n’a pu échapper à Michel Deneken, ancien vice-président Finances, puis vice-président Formations, et actuel président de l’université. L’autonomie des universités s’accompagne nécessairement de décisions politiques locales, qui ont des répercussions territoriales concrètes. C’est donc aux personnels et aux étudiants de l’Université de Strasbourg, et plus largement à la population alsacienne et aux citoyens de notre pays qu’il revient de s’emparer de ce problème et de ne pas se contenter de solutions temporaires, mais de décider de ce que doit être le nouveau système d’enseignement supérieur.

Voulons-nous un système d’enseignement supérieur qui permette l’accès à l’éducation du plus grand nombre, un accroissement des qualifications de l’ensemble d’une classe d’âge et un ascenseur social qui fonctionne ? Ou nous résignons-nous à un enseignement à deux vitesses, sélectionnant les futurs étudiants sur leur capacités financières pour s’inscrire dans les meilleurs cursus et sur leur appartenance sociale pour avoir accès aux meilleures orientations ?