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« Start-up : pièges à cons ! »(Jade Lindgaard, Médiapart, 12 décembre) et "L’ANR et F. Vidal parlent d’innovation" (Université ouverte, 13 décembre) - deux articles sur l’action du 12 décembre

jeudi 12 décembre 2019, par Laurence

Article Université Ouverte

L’ANR et F. Vidal parlent d’innovation et de notre avenir devant des start-up : les facs et les labos les interpellent et expriment leur colère !

Ce jeudi 12 décembre, l’Agence nationale de la recherche tenait une « journée d’échanges sur l’innovation » au sein du nouveau modèle de lieu macronien : l’incubateur de start-up Station F de Xavier Niel. Un événement emblématique de la marchandisation des savoirs, de la destruction du système de recherche publique et de sa mise au service de l’entreprise. Avec l’ANR et ce type d’évènements, c’est le triomphe du darwinisme social cher à Antoine Petit, le PDG du CNRS. Ce gouvernement, comme les précédents, soumet la recherche aux intérêts privés, en distribuant le crédit impôt recherche sans contrôle et en tentant de mettre les facs et les labos au service du patronat.

Cependant, plus d’une centaine de chercheur·ses, d’enseignant·es-chercheur·ses et d’étudiant·es ont décidé de se faire entendre. Nous avons réussi à entrer alors que la ministre de l’Enseignement supérieur, Frédérique Vidal devait intervenir. Après quelques gentilles bousculades, nous avons pu déployer nos banderoles à la tribune, notamment celle qui dit : « étudiants pauvres, salariés précaires, retraités menacés : Ensemble pour des moyens et des postes dans les facs et les labos  ». Nous étions plus nombreux que la soixantaine de chercheur·ses-startupeur·ses et d’entrepreneur·ses présent·es dans l’amphi. F. Vidal nous a donc écouté déclamer des slogans tel que « Start-up pièges à con : On n’en veut pas du monde de Macron » ou « Fac fermée aux intérêts privés, facs ouvertes aux enfants d’ouvriers ». Une de nos camarades a pu lire le texte suivant :

Madame la ministre, nous avons des choses à vous dire. Nous sommes un certain nombre ici à représenter le service public de la recherche, à croire dans le service public. Nous sommes ici dans un lieu emblématique de la destruction du système de financement de la recherche publique et de sa mise au service de l’entreprise. Se rencontrent à ces journées les idéologies moisies de la compétition généralisée et de la start-up nation. Ce gouvernement, comme les précédents, soumet la recherche aux intérêts privés, en distribuant le crédit impôt recherche sans contrôle et en tentant de mettre les facs et les labos au service du patronat. Alors oui, on cherche bien, dans la Start-up Nation : ce qu’on cherche, c’est transformer les fonds publics en profits privés ! Or la recherche appartient à tou·te·s et servent le bien commun, pas les entreprises capitalistes ! De la loi LRU à Parcoursup, c’est partout la même idéologie de la compétition entre étudiant.e.s, entre universités, entre laboratoires, entre chercheur.e.s. Cette logique produit partout, toujours, les discriminations sous toutes leurs formes, notamment de genre, de classe, d’âge ou ethno-raciales. Voilà le fond de la « loi inégalitaire et darwinienne » (dixit Antoine Petit, le PDG du CNRS) que le gouvernement nous prépare ! Voilà ce à quoi nous nous opposons.
Nous, disons, nous : « Vive le service public de la recherche, vive l’université ouverte !

La seule réponse de F. Vidal a été de nous tourner le dos et de s’excuser « à tous les chercheurs dans la salle.  » Elle n’a visiblement pas compris que les chercheur·ses, les universitaires, les étudiant·es, c’est nous ! Pas les entrepreneur·ses et startupeur·ses qui siphonnent les fonds publics pour faire des profits !

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Article MEDIAPART

La ministre de l’enseignement supérieur, Frédérique Vidal, a dû être exfiltrée, jeudi 12 décembre, d’une réunion sur l’innovation interrompue par une action de chercheur·e·s, mobilisés contre la marchandisation de l’université et la réforme des retraites.

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« Expliquez-nous comment vous aidez la recherche ! Comment vous dynamisez la société française avec le capitalisme cognitif en baissant les postes dans l’université et dans les instituts de recherche ! » Plus le manifestant crie dans son mégaphone, plus Frédérique Vidal se rapproche de la porte de sortie. Entourée de ses conseillers et d’un service d’ordre dépassé, la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche s’échappe de la salle de conférence de la station F, un bâtiment dédié aux start-up, où elle devait intervenir, jeudi 12 décembre, dans le cadre d’une journée sur la recherche et l’innovation.

Vers midi, une grosse centaine de chercheur·e·s et étudiant·e·s ont ainsi perturbé des rencontres organisées par l’Agence nationale de la recherche (ANR), à la fois pour s’opposer à la réforme des retraites (depuis leur condition universitaire, statutaire ou précaire) et pour dénoncer les réformes en cours dans la recherche et à l’université. « L’ANR assèche les financements récurrents alors que les universités subissent le plus grand plan social de leur histoire, avec un effondrement des postes de titulaires dans toutes les catégories de personnels », détaille leur tract. Un sabotage de l’intervention de Frédérique Vidal qui rappelle les ZAP d’Act-Up aux temps forts de la lutte contre le sida.

Pour 2020, le gouvernement prépare en effet une loi de programmation pluriannuelle de la recherche (LPPR), officiellement pour améliorer la visibilité de la recherche et sa contribution au rayonnement de la France. Mais pour ce collectif issu d’une assemblée générale tenue le 2 décembre, ce serait « plus de mandarinat, plus de précarité, plus d’inégalités et toujours plus d’argent pour les entreprises privées ». Ils craignent en particulier la création de nouveaux contrats précaires, l’individualisation des carrières, la généralisation d’une évaluation mal façonnée et le renforcement des logiques d’appels d’offres, au détriment de la recherche fondamentale et déliée des débouchés commerciaux.

Une tribune d’Antoine Petit, le président du CNRS, dans Les Échos le 26 novembre, a mis le feu aux poudres – comme le raconte ce billet de blog du journaliste Sylvestre Huet. Il y défend « une loi ambitieuse, inégalitaire – oui, inégalitaire, une loi vertueuse et darwinienne, qui encourage les scientifiques, équipes, laboratoires, établissements les plus performants à l’échelle internationale, une loi qui mobilise les énergies ». D’où le slogan entendu jeudi matin aux abords de la station F : «  Kropotkine, oui oui oui, Darwin, non non non ! ».

Pierre, étudiant en troisième année de physique à l’université Paris Diderot, explique : « On veut montrer au gouvernement qu’on ne lâche pas, que les autres secteurs économiques ne sont pas seuls. On a intérêt à jouer le jeu du tous ensemble, contre la logique qui veut opposer jeunes et vieux ». Autour de lui, des étudiants en informatique, en lettres, en sciences de la vie et de la terre, en sociologie. Pour eux, «  c’est la même politique d’austérité sur les retraites et dans la recherche. Un pas en arrière pour les services publics et un pas en avant vers la capitalisation et la marchandisation  ». Pour Alison, doctorante à Paris Diderot : « On transforme l’enseignement en grand marché. L’objectif, c’est d’être rentable. Il y a une accélération de l’idéologie néolibérale contre la solidarité et la sécurité qui détériore les conditions d’enseignement. »

Debout aux abords de la tribune de la salle de conférence, sur le point de prendre la parole quand le groupe de militant·e·s déboule en chantant l’hymne des gilets jaunes (« On est là…  »), Frédérique Vidal ne fait aucun pas vers eux. Comprend-elle les raisons de leur action ? « Pas trop. Il y a plein de chercheurs dans la salle  », répond-elle en aparté.

Au bout de quelques minutes, elle saisit un micro, tourne le dos aux manifestant·e·s qui occupent toute l’estrade autour de leurs banderoles, et s’adresse aux personnes assises dans le public : « Je voudrais présenter mes excuses à tous les chercheurs dans la salle.  » Les perturbateur·ice·s ripostent : « Les chercheurs, c’est nous !  » Quelques secondes plus tard, elle quitte la salle.

Une partie des activistes rejoint ensuite la manifestation contre la réforme des retraites. Ils disent vouloir s’inscrire dans le contexte de mobilisations sociales contre les politiques du gouvernement d’Édouard Philippe. « On est particulièrement touchés par la réforme des retraites, explique Samuel Hayat, politiste et militant à Sud Recherche. Il n’y a pas ou très peu de primes à l’université, à la différence de la fonction publique territoriale. Les carrières commencent tardivement. L’âge moyen d’entrée au CNRS est de 35 ans. On peut partir en retraite à taux plein plus tard et on subit beaucoup de contrats fractionnés. Et comme on est précaire longtemps, on a besoin du chômage. On est donc aussi très touchés par la réforme de l’assurance-chômage. » Selon ces militant·e·s, près de la moitié des cours à l’université sont donnés par des non-titulaires.