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"Filières blindées : l’orientation des étudiants décidée par tirage au sort", Pauline De Deus, Rue 89, 13 novembre 2013.
samedi 16 novembre 2013
« Je suis entré en droit par dépit », raconte Raph. Le jeune homme de 17 ans a obtenu son bac ES en juin dernier. Son rêve : intégrer une licence en sciences politiques à la fac de Montpellier. Mais il est recalé… par tirage au sort ! « Je savais qu’il n’y avait pas plus de 120 places, mais étant donné que c’était dans mon académie je pensais vraiment être pris », se souvient-il.
Mi-juin, à la première vague d’admission, il apprend que son dossier n’a pas été retenu. Il décide d’attendre jusqu’au dernier moment pour s’inscrire ailleurs, espérant que des désistements lui offrent une chance d’être tiré au sort. Mais rien ne se passe.
Aucun droit de regard des facs sur la sélection
« J’ai pris rendez-vous à la fac pour leur exposer mon dossier et mes motivations. J’espérais être pris en leur montrant que j’avais ma place dans cette filière, mais ils m’ont expliqué que ça ne venait pas d’eux », témoigne Raphaël. Et pour cause, les universités n’ont pas de droit de regard sur la sélection.
« Le tirage au sort est effectué de manière automatique par le portail internet d’Admission postbac (APB) », nous explique l’université Paris-II. C’est sur cette plateforme que les candidats listent leurs choix par ordre de préférence. Sont prioritaires les étudiants issus de l’académie, ayant placé en tête de leurs vœux la filière en pénurie. Les autres se partageront les places qu’il reste.
A 40 en TP : « On a fait comme on a pu »
Le cas de Raphaël n’est pas isolé. Partout en France, des bacheliers se sont fait recaler par tirage au sort. Car si certaines filières sont porteuses, elles sont aussi blindées : le droit, l’économie-gestion, la santé et surtout le sport. En cciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), les effectifs augmentent tous les ans. D’après l’association Anestaps, rien qu’en 2011, il y avait plus de 12 000 nouveaux entrants en licence 1 alors qu’ils étaient à peine plus de 10 000 à la rentrée 2010.
Un calcul stratégique vu les débouchés dans le secteur, mais pas seulement. « On s’aperçoit souvent que ce n’est pas ce qu’attendaient les étudiants », souligne Bernard Thon, professeur en Staps à Toulouse et vice-président de l’université Paul-Sabatier. Avant d’ajouter : « Dans cette filière, le sport ne représente en fait qu’un quart de la formation ! »
Conséquence, des cours surchargés : « A la rentrée 2012, il n’y avait pas encore de limitation de places, on a eu plus de 900 entrants : beaucoup plus que d’habitude. Et seuls 350 étaient issus de l’académie de Toulouse. En fait, les candidats de l’extérieur qui n’avaient pas été retenus ailleurs, à cause des places limitées, sont venus là. »
Au lieu d’être 26 en TP, ils se retrouvent à plus de 40, certains travaux dirigés sont abandonnés… « On a fait comme on a pu », assure le prof. Mais impossible de continuer comme ça.
« Le moyen le plus stupide mais le seul légal »
A la rentrée 2013, le nombre de places a donc été limité à 350 élèves dans la filière Staps à Toulouse et la sélection faite par tirage au sort. Mais les candidats étaient encore plus nombreux que l’année précédente : plus de 2 000 demandes, dont 800 prioritaires. 450 élèves n’ont donc pas été admis alors qu’ils faisaient partie de l’académie et que la filière Staps était leur premier vœu. « Tout le monde est d’accord pour dire que c’est injuste », reconnais Bernard Thon, qui conclut : « Le tirage au sort, c’est le moyen le plus stupide mais… le seul légal. Et pour nous c’est impossible de faire autrement : on ne peut pas gérer l’imprévisibilité du nombre d’inscrits. »
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