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Regroupement des universités : quel statut ? - Maxime François, le Monde Campus, 2 octobre 2017

lundi 2 octobre 2017, par Laurence

Le ministère se donne dix ans pour tirer le bilan du rapprochement entre établissements du supérieur, censé améliorer leur visibilité à l’international.

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Parmi les dossiers chauds de la rentrée, celui des regroupements d’universités et d’établissements est passé au second plan derrière la question des « prérequis » et celle du système APB, qui mobilisent les syndicats étudiants. Les acteurs de l’enseignement supérieur sont toujours dans l’expectative : quel cap le gouvernement souhaite-t-il donner à ces rapprochements ? Et à quoi ressembleront les futures politiques de gouvernance des universités ?

Ces questions suscitent à l’Elysée un silence qui en dit long sur l’impasse dans laquelle les politiques se sont enfermés et dont ils ont du mal à trouver la sortie. Contacté à deux reprises, le conseiller enseignement supérieur et recherche d’Emmanuel Macron, Thierry Coulhon – dont on suppose qu’il connaît le sujet sur le bout des doigts en tant qu’ancien président de la Comue PSL (communauté d’universités et d’établissements, ­Paris Sciences et Lettres) –, se borne à refuser « de commenter le dossier ».

Garder son indépendance ou se fondre dans l’ensemble

Frédérique Vidal, la nouvelle ministre de l’enseignement supérieur, se donne le temps : elle souhaite fixer à dix ans la durée de la période d’expérimentation, à l’issue de laquelle chaque entité pourra soit garder son indépendance soit se fondre juridiquement dans l’ensemble. Un délai long qui constitue pourtant une diminution de cinq ans de la période d’expérimentation initialement envisagée. Ce projet proposera aux établissements de choisir entre les deux statuts existants : la Comue, donc, et l’EPSCP (établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel).

Les regroupements, lancés en 2013 par la loi Fioraso pour donner plus de visibilité à l’enseignement supérieur français dans les classements internationaux, n’ont pas apporté les résultats espérés. Les problèmes de gouvernance perdurent, face à une multitude d’écoles aux identités fortes et à des disparités territoriales importantes. La Comue ­Paris-Saclay, première expérience d’envergure destinée à regrouper 15 % de la recherche publique française autour d’établissements d’enseignement supérieur et de recherche prestigieux, tels que Polytechnique, le CNRS, le CEA et l’université Paris-Sud, sur le plateau de Saclay, au sud-ouest de la capitale, est pour l’heure au milieu du gué. Alors que 5 milliards d’euros y ont déjà été engagés.

« Le rythme des chantiers n’est pas assez soutenu  », critiquent certains présidents d’université, alors qu’approche l’examen de plusieurs labels par un jury international, dont l’Initiatives d’excellence (Idex), une aide financière d’envergure dont l’objectif est la construction d’ensembles pluridisciplinaires d’enseignement supérieur et de recherche de rang mondial. « Le calendrier est serré, admet Gilles Roussel, le président de la Conférence des présidents d’université. Il nous faut rapidement le nouveau cadre législatif et des orientations en début d’année 2018, pour que les sites puissent trouver une solution. »

Un retour en arrière impossible

« On navigue en eaux troubles, dénonce Stéphane Leymarie, secrétaire général du syndicat Sup’Recherche-UNSA. Sous couvert d’expérimentation, des questions de gouvernance et de personne prennent le pas sur le projet éducatif.  » Emmanuel Roux, le président de l’université de ­Nîmes et de la commission juridique de la CPU, craint « un fonctionnement à la carte dans chaque regroupement, ainsi que la multiplication d’Etats dans l’Etat  ». Au centre de ses inquiétudes, la perte pour chaque entité d’un regroupement de son statut juridique propre pendant la période de l’expérimentation. « Comment faire machine arrière dix ans après l’expérimentation si une école a abandonné ses statuts juridiques et que la Comue disparaît ? Quel cadre donner aux expérimentations pour éviter une multiplication des statuts entre regroupements ?  », s’interroge le juriste.

Une équation à double inconnue, alors que, sur le terrain, chaque Comue répond à des problématiques différentes. « Pourra-t-on s’organiser comme on le souhaite ou aurons-nous moins de liberté ? demande Philippe Raimbault, président de l’Université fédérale de Toulouse. Tout cela est encore confus. Dans les deux cas, il y a un risque : aboutir à des sites à deux vitesses ou se retrouver avec un cadre juridique trop exigu. » « Il faudra un cadre juridique souple, plaide également Lise Dumasy, la présidente de l’université Grenoble-Alpes. On ne peut pas se satisfaire des mêmes solutions partout car les sites sont très différents, entre les gros pôles, très constitués, et des sites plus petits, qui ne nécessitent pas les mêmes solutions.  » Un beau casse-tête en perspective pour le gouvernement, qui devra étudier au cas par cas les spécificités de chaque regroupement.