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Robert Castel : « La précarité est devenue un état permanent » - L’Humanité, 16 novembre 2009

lundi 16 novembre 2009, par Laurence

Note de SLU : cet entretien n’est pas directement consacré à l’université ou l’éducation… mais il donne un éclairage intéressant sur la question de la précarité, qui est devenue un problème central pour les personnels universitaires, ceux des organismes, ceux du système public d’éducation.

Directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, Robert Castel, qui a consacré presque trente années de recherche à la question sociale, estime, face à la généralisation de la précarisation du travail, qu’il faut relever le défi de nouveaux droits attachés à la personne des travailleurs.

Dans vos travaux, vous mettez en avant l’idée que les « crises » que nous traversons depuis plus de trente ans ne sont pas des dépressions plus ou moins passagères. Selon vous, nous serions plutôt dans une nouvelle phase ou ère du capitalisme…

Robert Castel : Je crois en effet que, depuis le début des années 1970, nous sortons du capitalisme industriel qui s’était implanté en Europe occidentale durant un siècle et demi. Vers la fin de cette période, nous étions parvenus à trouver un relatif équilibre, je dis bien relatif, entre les intérêts du marché, la productivité, la concurrence et un certain nombre de protections et de sécurités à l’égard du travail. Selon moi, la crise, que nous avons d’abord pensée comme quelque chose de provisoire, en attendant la reprise, commence à apparaître davantage comme un changement de régime du capitalisme. Nous ne sommes pas encore en mesure de pouvoir bien définir ce changement mais avec la concurrence exacerbée qui s’est déployée au niveau mondial, nous avons affaire à un capitalisme plus sauvage, moins régulé. Depuis l’automne 2008, le dernier épisode de la crise, avec ses catastrophes financières, illustre bien cette évolution.

Quels sont les effets de cette transformation du système capitaliste  ?

Robert Castel : Le cœur de la transformation se situe d’abord au niveau de l’organisation du travail et se traduit par une dégradation du statut professionnel. La précarité se développe à l’intérieur de l’emploi et vient se greffer au chômage de masse. Il n’est plus possible de penser la précarité comme nous l’avons fait pendant des années, c’est-à-dire comme un mauvais moment à passer avant de trouver un emploi durable. Il existe désormais un nombre croissant d’individus qui s’installent dans la précarité. Elle devient, même si cela paraît paradoxal, un état permanent. Ce que j’appelle le « précariat » correspond à une nouvelle condition salariale, ou plutôt infrasalariale, qui se développe en deçà de l’emploi classique et de ses garanties.

Cela implique que les catégories sociales défavorisées ne sont plus les seules à être touchées par cet essor du « précariat » …

Robert Castel
 : Oui, les ouvriers les moins qualifiés, les jeunes qui essaient de rentrer pour la première fois sur le marché du travail sont toujours, en termes quantitatifs, les catégories les plus touchées par l’essor de la précarité. Cependant, je pense qu’il ne faut pas oublier pour autant que la précarisation est une sorte de ligne de fracture qui traverse l’ensemble de notre société. Il existe une précarité « haut de gamme », qui atteint une partie des classes moyennes et des hauts diplômés. Pour saisir l’ampleur de la transformation, il faut aussi inclure ce phénomène.

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