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Des universitaires réclament un meilleur accueil des étudiants étrangers - Isabelle Rey-Lefebvre - Le Monde 13 mai 2014

Les tracas continuent, dans l’attente de la généralisation des visas pluriannuels

mardi 13 mai 2014, par Hélène

Les organisations d’étudiants s’impatientent de voir concrétiser la promesse du candidat Hollande de mieux accueillir les étudiants étrangers, confrontés à l’obligation de renouveler chaque année leur titre de séjour. L’UNEF, premier syndicat étudiant, lance, mardi 13 mai, une campagne " pour une nouvelle politique migratoire et d’accueil : étranger peut-être, étudiant d’abord ", et publie une tribune signée par sept syndicats de salariés de l’enseignement, des organisations de jeunesse, 35 parlementaires (PCF, PS et EELV) et 13 présidents d’universités, dont Jean-Loup Salzmann, le président de la Conférence des présidents d’universités.

Des mesures ont bien été prises depuis l’élection de François Hollande, dont l’un des premiers actes de président a été d’abroger, un an après sa publication, la circulaire dite Guéant du 31 mai 2011, qui avait restreint la possibilité pour les étudiants étrangers diplômés de travailler en France. Ensuite, la circulaire du 30 juillet 2013 a ouvert plus largement la possibilité de délivrer des titres de séjour pluriannuels, couvrant toute la durée des études. " Mais sur le terrain, la machine administrative à précariser les étudiants est toujours en marche ", dénonce William Martinet, président de l’UNEF.

" Durcissement "

Karim (son prénom a été modifié), étudiant en mathématiques à Toulouse, venu d’Algérie, avait cru prendre les devants en sollicitant un rendez-vous en préfecture dès son arrivée en France, en 2012. Il lui a pourtant fallu huit mois pour obtenir le précieux visa avant de recommencer les mêmes démarches, en pire, à peine quatre mois plus tard. Il a perdu des matinées en préfecture, contraint de sécher les cours. " Renouveler son visa devient une obsession, ça empoisonne la vie, mais je sais que l’attitude de la préfecture ne reflète pas ce qu’est la France ", confie-t-il.

Il en va de l’attractivité du pays, comme le rapporte l’enquête annuelle menée auprès de 20 000 étudiants par Campus France. 88 % des étudiants étrangers se déclarent plutôt satisfaits de leur séjour, mais 52 % dénoncent les complications administratives (et même 61 % chez les étudiants américains).

" Je ne comprends pas pourquoi je suis traitée en voleuse, en profiteuse, alors que j’ai toujours été très bonne étudiante et suis élue dans mon université, confie Deyn (qui n’a pas souhaité donner son nom), étudiante en lettres modernes de 21 ans, venue du Nigeria. Chaque mois, j’ai dû aller en préfecture pour reconduire mon récépissé, jusqu’à m’entendre dire que le visa m’était refusé. Et comme je n’avais pas reçu la lettre me signifiant ce refus, je n’avais plus que huit jours pour poser un recours. "

" Nous avons l’impression nette d’un durcissement ", constate Pascal Maillard, enseignant chercheur à l’université de Strasbourg, membre du Snesup. Le syndicat, avec douze organisations, soutient cinq étudiants dont certains sont sous le coup d’une obligation de quitter le territoire. " Alors que nous avions pu régler à l’amiable des cas comparables l’an passé, cela n’a été possible cette année que pour deux d’entre eux ", déplore-t-il.

Certains refus du préfet du Bas-Rhin s’appuient sur les notes insuffisantes obtenues par les étudiants, bien que, dans certains cas, ceux-ci aient validé leur semestre et obtenu la moyenne. " Il n’est pas du ressort de la préfecture de juger le niveau d’études des étudiants, mais du nôtre ", martèle M. Maillard.

Une des solutions serait de généraliser les visas pluriannuels, pour l’instant réservés aux seuls étudiants en master et aux doctorants qui en font la demande. La mesure soulagerait tout le monde, même les services aujourd’hui surchargés. Elle doit trouver sa place dans la future loi immigration. Bernard Cazeneuve, le ministre de l’intérieur, a indiqué au Monde qu’elle serait à l’ordre du jour du conseil des ministres fin juin pour un débat au Parlement à l’automne.

Son cabinet réaffirme la politique d’ouverture, avec 63 000 visas accordés en 2013, soit 7 % de plus qu’en 2012, et, surtout, 13 000 visas pluriannuels, contre 5 000 en 2012. A la rentrée 2015, tous les campus devront ouvrir un guichet unique (il n’en existe que 24 aujourd’hui), tenu par des fonctionnaires de la préfecture, pour alléger les démarches des étudiants.

Isabelle Rey-Lefebvre